Une légende de la microfinance  –  Hommage à Nicolas ROFÉ
Pour toute une génération d’acteurs qui ont découvert la microfinance dans les années 1990, Nicolas ROFÉ était un précurseur, avec sans doute 15 ans d’avance sur le reste du secteur en Afrique francophone. Il s’est éteint en septembre 2014 des suites d’une longue maladie, après avoir eu une vie digne d’un roman. En microfinance, on retiendra qu’il a transformé un projet de Crédit Très petites entreprises – Petites et moyennes entreprises (TPE-PME) en situation d’échec, dont il a repris la gestion en 1988-1990, en l’un des plus grands succès de la microfiÂnance dans les pays de l’UEMOA : LTN Sénégal.
Je me souviens des premières études que j’avais faites avec l’AFD et le CGAP en 1998-1999 : nous étions nombreux à être impressionnés à la fois par la capacité d’LTN Sénégal (et de ses « clones ») à générer du Crédit individuel sain et à équilibrer les comptes en quelques années, tout en digérant sans difficulté le retrait de l’assistant technique permanent. Dans la jungle des projets et des Réseaux plus ou moins professionnels qui encombraient le secteur à l’époque, c’était une petite révolution. La volonté de Nicolas ROFÉ de traquer les coûts inutiles et la « fonctionnarisation » des agents l’était aussi, là où tant d’autres se complaisent dans le confort des subventions… une microfinance au service du financement de l'entreprise et à l’image de nombreux entrepreneurs : rugueuse et sans graisse inutile.
Les Agences de Crédit pour l'entreprise privée (LTN) qu’il a créées par la suite, à Madagascar, au Cameroun, et plus récemment au Burkina Faso et au Niger, sont autant de témoignages de son travail ; son Å“uvre continuera avec les structures mises en place et les personnes qu’il a pu former.
Nicolas ROFÉ et Pancho OTERO partageaient sans doute cette caractéristique d’être bien plus dans leur élément sur un marché d’Amérique latine ou d’Afrique, au milieu de leurs « clients » naturels, que dans des colloques internationaux. Nicolas ROFÉ ne voulait surtout pas devenir le « patron » d’une holding, gérant ses filiales l’œil rivé sur des tableaux de bord économico-financiers. A l’heure où la microfinance a tendance à se financiariser, voire à emprunter les chemins de la désintermédiation, et où le développement des nouveaux outils technoloÂgiques permet parfois d’accélérer l’instruction du dossier de Crédit (grâce aux renseignements fournis par les bureaux de Crédit, voire aux notes de systèmes de notation ou « creditscoring »), il n’est pas inutile de rappeler un des principaux enseignements d’LTN, à savoir l’importance donnée au facteur humain et à la parfaite connaissance, de visu et in situ, de chaque client et de son entreprise par l’agent de Crédit.
Qu’il me soit donc permis de leur rendre cet hommage. Extrait de « Précis de réglementation de la microfinance … et de l’inclusion financière », Laurent Lhériau, Troisième édition, Coordination deEneida Del Hierro, AFD.